Cette brève et drôle d’histoire prend sa source dans un petit village au nord d’Hanoi, dans la famille de ma compagne, et ressemble plus à une tradition du village qu’à une véritable coutume locale. Tous les soirs après le dîner, entre 19h et 20h, les téléphones commencent à sonner. Ce sont les femmes du village qui communiquent entre elles, en se demandant les unes aux autres si elles sont partantes pour la fameuse « balade digestive » du soir.
Au départ, il ne s’agissait que d’une simple promenade entre une mère et sa fille. Puis, de fil en aiguille, quelques voisines ont commencé à se greffer à la marche, et même un tây (eh oui, c’est moi) qui ne parle pas la langue. Le plus drôle, c’est qu’il n’est pas rare de croiser d’autres petits groupes de femmes sur ce même chemin, qui font exactement la même balade de leur côté. À croire qu’un mouvement est né !
« Tu es sûr qu’on en est qu’à deux allers-retours ? Je pense qu’on en est au moins à trois ! »
Une femme du village
Au programme, c’est une balade entre les habitations et les champs situés à quelques minutes de marche, tout au plus. Une fois arrivé sur ce fameux chemin de terre, il faut réaliser pas moins de 4 allers-retours (c’est toujours source de négociation, voire d’abandon) de sept ou huit minutes. En tout, c’est une marche d’une petite heure qui permet de se dégourdir les jambes et l’esprit après un bon petit repas.
Car se dégourdir l’esprit, c’est bien ce qui semble animer tout ce beau monde. En effet, la balade est propice à tous les potins, et ça papote dans tous les sens. « Les Feux de l’Amour » et « Plus Belle la Vie » n’ont qu’à bien se tenir !
« Mais si, je l’ai vu sortir de sa maison, c’est sûr qu’il la trompe ! »
Exemple de discussion pendant la balade
Même si je ne comprends pas un mot des discussions (merci à ma compagne pour les traductions), j’adore le commérage. Les sujets sont souvent les mêmes que chez nous : les relations sentimentales, familiales et professionnelles, les dernières rumeurs du village et bien sûr le retour sur les potins de la veille, afin de vérifier si l’on avait vu juste ou non. Quelque chose me dit que mon cas a dû être évoqué plus d’une fois pendant ces balades !
C’est très drôle à voir puisque des petits groupes se scindent et se reforment au gré du rythme de marche (et surtout du sujet de discussion), et l’on assiste même à des fusions entre les différents groupes qui marchent sur ce petit chemin. Parfois, plusieurs femmes semblent se partager des potins sans même s’écouter, comme une discussion de comptoir. Il arrive même que des personnes « abandonnent » la balade en cours de route. Vous pensiez qu’elles allaient rentrer chez elles ? Que nenni, c’est juste qu’il était temps de s’asseoir au bord de la route pour continuer à potiner. Peut-être pour parler sur quelqu’un qui fait partie de la balade, qui sait ?
Finalement, après ces fameux 4 allers-retours, tout ce petit monde retourne chez soi, et l’équipe perd des membres maison après maison. Il sera alors autour de 20h30, et il ne faudra pas tarder à se coucher pour être prêt à affronter la journée du lendemain qui commence bien souvent autour de 5h du matin.
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