L’alphabet vietnamien et les tons (accents)

Dans un précédent article, nous parlions de la difficulté à prendre en main les pronoms personnels vietnamiens, qui hiérarchisent les relations entre individus. Je vous avais donné quelques exemples de pronoms, et les plus perspicaces d’entre vous auront peut-être remarqué que :

  • Contrairement à bon nombre de pays asiatiques, l’alphabet vietnamien ressemble étrangement à l’alphabet français, ou plus globalement à l’alphabet latin
  • Les voyelles possèdent parfois des accents ou des déclinaisons, qui n’existent pas forcément dans notre alphabet
  • Enfin, que cet article sur les pronoms était quand même vachement cool ! (bon d’accord, je suis peut-être le seul à me le dire)

Pour répondre à ces interrogations, je vous propose aujourd’hui de découvrir les lettres de l’alphabet vietnamien ainsi que son système de ton (ou d’accent) à travers de petits exemples. En espérant que cela puisse vous être utile dans votre découverte du pays !

Histoire et origine de l’alphabet vietnamien

Comme dans tous les pays du monde, l’alphabet vietnamien (et donc la langue vietnamienne) est fortement lié aux siècles d’histoire qu’a connu le pays, et évolue avec le temps. L’alphabet vietnamien tel que nous le connaissons aujourd’hui porte le nom de « chữ quốc ngữ« , et a été adopté en tant que langue officielle en 1918, sous l’impulsion de l’empire colonial français. Il a été mis au point par Alexandre de Rhodes, un prêtre français, durant le XVIIᵉ siècle, permettant à l’époque de transcrire l’ancien alphabet vietnamien qui était basé sur des sinogrammes, c’est-à-dire des caractères chinois.

Historiquement, le Vietnam a longtemps été sous l’influence du géant Chinois. Ainsi, avant cette date de 1918, c’est l’alphabet chinois qui était la langue officielle du Vietnam, ou tout du moins des peuples qui vivaient alors sur l’actuel territoire vietnamien. On en retrouve aujourd’hui beaucoup de traces, notamment lorsque l’on se rend sur des sites historiques comme des pagodes ou des temples. C’est entre autres le cas du temple Tây Hồ à Hanoi, auquel nous avions déjà consacré un article.

Photo d’un autel des ancêtres extérieur dans le temple Phu Tay Ho, à Hanoi
Exemple de vestiges de l’ancien alphabet chinois, ici sur un autel dédié aux ancêtres dans le temple Phu Tay Ho, à Hanoi

Enfin, il faut savoir que la prononciation des mots diffère selon l’endroit où l’on se trouve au Vietnam, un peu comme on peut le connaitre en France entre nos différentes régions. On ne parle pas de patois, puisque l’orthographe des mots reste la même, mais simplement d’une différence dans la manière de s’exprimer à l’oral. Cette différence peut être telle que les vietnamiens eux-mêmes peuvent parfois avoir du mal à se comprendre, c’est dire !

Généralement, on distingue trois accents, à savoir l’accent du sud, l’accent du centre et enfin l’accent du nord. On peut aussi parler respectivement de l’accent de Saigon (ou de Hô Chi Minh-Ville), de l’accent de Huế ou encore de l’accent de Hanoi, du nom des principales villes du pays. Dans mon cas, je vis à Hanoi et j’essaie donc d’apprendre le vietnamien avec l’accent du nord !

Constitution des lettres et de l’alphabet vietnamien

Avant de rentrer dans le vif du sujet, je vous propose d’évacuer rapidement les choses les plus simples, pour ensuite se concentrer sur le plus dur. Déjà, les chiffres sont exactement les mêmes que chez nous, ce qui va nous éviter bien des problèmes. De plus, les phrases sont constituées d’une suite de mots, et les mots d’une suite de lettres. Si tout va bien, je n’ai encore perdu personne dans mes explications jusqu’ici.

Maintenant que le plus difficile commence, penchons-nous sur les lettres. Nous en parlions plus tôt, mais l’alphabet vietnamien se base sur l’alphabet latin. Voici sans plus attendre toutes les lettres disponibles dans la langue vietnamienne.

Schéma représentant les 29 lettres composant l’alphabet Vietnamien

Comme vous pouvez le voir, l’alphabet vietnamien dispose de 29 lettres, dont certaines vous sembleront sans doute familières. Afin de faire simple, je vous propose de partir de l’alphabet français (qui possède 26 lettres) pour en arriver à l’alphabet vietnamien.

Dans un premier temps, on peut remarquer que les lettres f, j, w et z ont disparues de l’alphabet (cf. schéma ci-dessus). Ne vous inquiétez pas, tout est parfaitement normal, la situation est sous contrôle. Ensuite, vous voyez sans doute que des lettres possèdent des « déclinaisons », comme si on avait plusieurs versions pour une même lettre (par exemple 3 « versions » de la lettre A). Tout en gardant à l’esprit que ce que je dis est valable seulement pour l’accent du nord, voici nos nouvelles lettres ainsi que leurs prononciations respectives :

  • a qui se prononce plus ou moins comme le A français, qui dispose des déclinaisons â, qui ressemble à notre E et ă, qui se prononce A, mais comme lorsqu’on imite l’accent asiatique. C’est un peu cliché, mais je n’ai rien de mieux en stock pour vous l’expliquer, désolé !
  • e qui se prononce comme notre È, et ê comme notre É, facile.
  • o qui est un O doux comme dans or, ô est un O fort comme dans « beau » et ơ, qui est un mélange en un O et un E. J’essaye généralement de la prononcer comme le « œ » dans « cœur », sans certitude.
  • u qui se prononce « ou » et ư, comment dire … Cette dernière est un peu particulière, c’est un mélange entre le mot « ou » et la lettre E. Pour essayer de la prononcer, vous pouvez dire « ou » en souriant.
  • Et enfin, d qui se prononce comme le Z français et đ, qui est l’équivalent de notre D à nous.

Avec toutes ces lettres, nous voilà à 29. Le compte est bon, félicitations ! À noter que certaines lettres de l’alphabet vietnamien ne se prononcent pas comme en français. En plus de celles que l’on a vu dans les exemples précédents, c’est aussi le cas pour le r qui se prononce dans le nord du Vietnam comme notre Z (c’est-à-dire comme le d vietnamien) ainsi que le x, qui se prononce comme notre S.

Enfin, il est important de savoir que certains binômes de lettres forment un son unique. Mais si, vous connaissez déjà ce principe, par exemple « ch » dans cheval, « ph » dans physique, « gue » dans gueule ou encore « gi » dans Giroud. C’est la même idée en vietnamien, sauf que les sons ne sont pas les mêmes. Ainsi, avec l’accent du nord, ch et tr se prononceront tous deux comme « tch », gh comme notre G dans garage, gi et ri comme « zi » dans Zidane ou encore kh qui se lirait comme un R chez nous. Il existe de nombreuses combinaisons, dont certaines beaucoup plus complexes à prononcer, comme le ng dont le son ressemble à la fin de mot « parking », excepté qu’il est souvent au début des mots. Pour ceux qui ont vu le film RRRrrr!!, je me sens comme si j’apprenais à dire Guy. En bref, un véritable horreur !

Comprendre les tons et les accents en vietnamien

Une fois que l’on a compris comment prononcer les lettres ou les combinaisons en vietnamien, il faut s’attaquer à la deuxième spécificité de la langue : les tons. Il existe 6 tons différents en vietnamien, qui sont représentés à l’écrit par un accent. Les voyelles sont les seules lettres à porter les accents, c’est-à-dire les lettres a, ă, â, e, ê, o, ô, ơ, u, ư et enfin y. Il y a sans doute quelques règles spécifiques qui s’appliquent pour savoir quelle voyelle porte l’accent dans un mot qui en contient plusieurs, mais je ne voudrais pas vous dire de bêtises (j’apprends juste par cœur pour le moment).

Ainsi, chaque mot va être composé d’un ensemble de lettres (rarement plus de 6) et d’un accent. L’absence d’accent sur un mot correspond au ton neutre, que l’on pourrait considérer comme le ton par défaut. À titre d’exemple, partons du mot « ma » et voyons les différentes formes qu’il peut adopter :

Mot vietnamienType d’accentNom de l’accent en vietnamienSignification en français
maneutrengangfantôme
Montant, comme pour une questionsắcmaman
Descendanthuyềnmais
mạHaché, occulte la suite du motnặngjeune pousse de riz
mảDescendant puis montanthỏitombe
Son coupé en deux (ba-an)ngãcode
Exemple d’une même suite de lettres possédant différents sens selon son accent dans la langue vietnamienne

Vous ne rêvez pas, il s’agit bien de 6 mots différents, chacun ayant sa propre prononciation ! Lorsqu’on évoque les tons, on utilise souvent « ma » comme exemple, car il a l’avantage de posséder une signification pour chacun des six accents. Autant vous le dire tout de suite, il est facile de faire la différence à l’écrit grâce aux accents, par contre à l’oral c’est une autre histoire. Beaucoup de sons se ressemblent pour une oreille non avertie, et j’ai encore beaucoup de mal à écrire ce que je peux entendre.

D’ailleurs, à l’écrit, il vous est sans doute difficile de bien comprendre la différence entre tous ces tons. Si vous souhaitez approfondir le sujet, n’hésitez pas à consulter des vidéos telles que celle-ci pour vous faire une idée plus précise sur les tons vietnamiens. Mais sachez que c’est bien ici que réside la plus grande difficulté de la langue !

Les autres difficultés de la langue vietnamienne

Lorsque l’on maitrise la prononciation et les accents en vietnamien (ce qui n’est pas encore mon cas, quelle galère), on a relevé la plus grande partie du défi. Ici, pas de conjugaisons compliquées, pas d’accords tordus, pas même de genre (féminin ou masculin) et de nombre (singulier ou pluriel). Même si la suite de l’apprentissage consiste essentiellement à apprendre le vocabulaire, le vietnamien nous réserve quand même quelques surprises. Je ne reviens pas sur la difficulté des pronoms personnels vietnamiens puisque nous y avons déjà consacré un article entier, mais explorons d’autres pistes.

Je l’ai dit tout à l’heure, mais les mots vietnamiens sont relativement courts (au revoir, anticonstitutionnellement). Ainsi, certains mots français se traduisent par une association de mots vietnamiens. Par exemple, le mot théâtre se traduit en vietnamien par la combinaison nhà hát, sachant que nhà désigne la maison et hát veut dire chanter. Cette fois-ci on a de la chance, puisque le sens unitaire des mots est proche de la combinaison (maison chanter, ce n’est pas très loin de théâtre après tout). Un autre exemple avec đồng hồ qui signifie montre, ou horloge. Unitairement, đồng aurait tendance à vouloir dire cuivre alors que hồ serait plutôt lac. Mais si, souvenez-vous du lac Hồ Tây dont nous avons déjà parlé. Cuivre lac, ça ne fait pas vraiment penser à une montre, n’est-ce pas ?

De ce fait, lorsqu’on apprend le vietnamien et que l’on discute avec quelqu’un, il est très facile de se perdre dans la conversation. Parfois, tout content, je crois reconnais des mots unitairement, au milieu d’une phrase. Sauf qu’en réalité, ils font bien souvent partie d’une combinaison, ils n’ont pas du tout le sens que je croyais. Si on rajoute à ça le fait qu’on puisse se méprendre sur l’accent de certains mots, et que certains mots d’une combinaison ne veulent tout simplement rien dire si on les prend individuellement, on est rapidement au centre d’un joyeux bazar !

Enfin, certains mots proviennent directement du français (ou d’autres langues) avec une écriture et une prononciation adaptées au vietnamien. Ce n’est pas une difficulté en soi, mais ça me fait toujours sourire, puisque c’est comme si l’on prononçait un mot français avec un accent vietnamien. C’est le cas du mot carotte, qui va s’écrire cà rốt en vietnamien, et se prononcer vulgairement « cazotte ». Je pense aussi au mot saucisse qui devient xúc xích (souque-sique) ou encore fromage qui prend la forme de phô mai (fomaye). C’est rigolo et facile à retenir, si seulement tous les mots étaient comme ça !

Finalement, le vietnamien est-il une langue difficile ?

Contrairement à d’autres pays asiatiques comme la Chine ou le Japon, le fait que le vietnamien repose sur un alphabet latin est très confortable en tant que français. Ainsi, même si nous ne sommes pas habitués à parler avec des tons différents, le vietnamien reste une langue très accessible. Une fois que l’on a compris les règles du jeu, il suffit d’avaler le dictionnaire pour pouvoir parler correctement. La langue possède très peu de cas particuliers et les tournures de phrases sont semblables à celle que l’on a chez nous, c’est un luxe appréciable.

La plus grosse difficulté réside donc dans les tons, ainsi que dans certains sons qui n’existent pas chez nous. Ce n’est pas un problème pour l’écrit, par contre c’est assez difficile pour s’exprimer à l’oral. Aujourd’hui, après des mois d’un apprentissage plus ou moins sérieux, j’ai encore du mal à assimiler l’accent à associer aux nouveaux mots que je rencontre. Même si je commence à comprendre certaines phrases avec ma belle-famille vietnamienne, il me reste encore du pain sur la planche avant de pouvoir échanger de manière fluide, sans l’aide de personne !


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